Un frimant...
est celui qui fait de la Frime... de la figuration. Le figurant, appelé plus officiellement acteur de complément par les conventions collectives, est employé par la production pour assurer par sa présence un complément "de jeu" dans la composition de l'image. Il fait un "cacheton", un cachet d'un ou plusieurs jours, avec plus ou moins de précision dans la demande de la mise en scène. Il sera un frimant parmi des centaines d'autres dans une foule "anonyme", un passant croisant le chemin de l'actrice principale sur le trottoir d'une rue, un consommateur au bar d'un décor de café servant d'amorce pour la bonne composition du cadre... en costume contemporain sans désignation particulière, en paysan du Moyen-Âge fourche à l'épaule, en soldat de l'An II baïonnette pointée, ou encore en poilu ensanglanté, mort au champ d'honneur !
Le théâtre et l'opéra, bien avant le cinéma, ont fait appel aux figurants, au music-hall, ils sont appelés le "flot". Pour Hollywood, le frimant est un "extra" (Background job). La Frime est composée indifféremment de professionnels et d'amateurs occasionels. Certains figurants possèdent leur garde-robe (smoking, tenue de policier, de serveur...) , les tarifs des salaires seront alors très variables suivant quelques paramètres (cumulables) bien spécifiques : le nombre de figurants (+ de 30 ou + de 100), les costumes demandés ou fournis par la production (costume lié à la saison, uniforme ou vêtement professionel ...), avec des compléments de primes pour les scènes de danse, chant, pluie, natation... et les essayages, donc beaucoup de variations. Les répétitions (hors tournage) sont signalées, payées un demi cachet dans la convention de 1995. Les tournages hors région parisienne appliqueront des règles sociales et professionnelles légèrement différentes en ce qui concerne l'embauche des frimants.
Mimile faisant une frime - "D'Artagnan amoureux" - 1976
Philippe figurant sur "Adieu Poulet" - 1975
On distingue toujours un figurant qui doit "jouer" un personnage bien défini, comme un serveur dans une brasserie, un policier faisant la circulation, un aveugle avec sa canne et son chien... ces "rôles" plus précis sont appelés "silhouettes". Ces acteurs de complément effectuent une figuration intelligente, comme également ceux qui doivent "servir" l'image : passage en volet devant la caméra, amorce en bord de cadre, ou autres actions précises liées à la mise en scène. La coutume veut que les figurants n'aient pas de texte à dire, mais les exceptions existent. Une foule pourra très bien avoir à crier au cours d'une scène d'émeute dans les rues, ou bien à exprimer son enthousiasme dans une salle de spectacle... Une prime de majoration de salaire sera versée au figurant à qui l'on donnera un petit texte à dire (généralement limité à 5 mots !), au-delà de cette limite un contrat spécifique sera établi en petit rôle ou panne*.
Les doublures pour le cadre et la lumière entrent dans la même catégorie professionnelle que les figurants. Lorsqu'il est nécessaire de coordonner la figuration, un chef de file peut être nommé, il peut servir d'intermédiaire pour la production et parfois assurer le "recrutement" (casting). Mais le choix des figurants est effectué normalement par une personne de l'équipe du tournage qui fait le "casting figuration". Travail historiquement dévolu au Régisseur Général pendant des années. Suivant le style des scènes à tourner, la sélection des frimants se fera avec plus ou moins de critères : sexe, âge, taille, chevelure, couleur de peau, corpulence, ethnie, capacités physiques... la figuration sera obligatoirement triée à l'encontre de toutes les règles actuelles, applicables lors d'une embauche ! Des figurants "jouant" des prisonniers décharnés d'un camp ne pourront pas être choisis parmi des personnes de forte corpulence.... Seuls de jeunes garçons, aux cheveux très courts et à la peau blanche, pourront occuper la classe d'une l'école primaire du XIXe siècle en Angleterre... C'est avec une très grande diplomatie que le responsable du casting figuration devra évincer les candidats innapropriés au film. Les "sélectionnés" seront passés au crible du mètre ruban : taille, tours de tête, de poitrine, d'encolure, pointure...
Les films ont "utilisé" les services des figurants dès les débuts. Quelques films ont marqué l'histoire du cinéma par leurs foules remplissant l'image. "La Naissance, la vie et la mort du Christ" (1906) d'Alice Guy pour lequel furent mobilisés 300 figurants et acteurs. Ce film tourné au studio de la rue des Alouettes et en forêt de Fontainebleau fut produit par Gaumont qui voulait rivaliser avec celui de Ferdinand Zecca, chez Pathé, tourné en 1902. Une surenchère particulièrement remarquable se produit dans les années 10. Le "Molière" (1910) de Léonce Perret chez Gaumont, "L'Agonie de Byzance" (1913) de Louis Feuillade toujours chez Gaumont et quelques autres importantes reconstitutions historiques comme "Naissance d'une nation" (1914) de Griffith ou "Cabiria" (1915) de Pastrone, pour atteindre quelque 16.000 figurants, avec "Intolérance" (1917) du même Griffith qui fit installer une immense grue, avec ascenseur, pour y placer sa caméra. En Allemagne, "Madame Du barry" (1919) et "La femme du Pharaon" (1921) d'Ernst Lubitsch furent également des productions à la figuration très abondante. Sur le plateau de cette "fresque égyptienne", les figurants se mirent en grève pour obtenir une augmentation de salaire. Le grand nombre de figurants, sur ces productions pharaoniques, leur permit de ne pas toujours se laisser exploiter.
Raccord coiffure pour un frimant - "Le devoir de Français" - 1977
Les petites figurations s'apparentèrent parfois, dans les années 30, en France, à une sorte de racket. Le recrutement se faisait par l'intermédiaire des régisseurs, et des chefs de file peu scrupuleux "redistribuaient" les salaires sans oublier au passage une commission pour eux-même, le régisseur et même parfois le réalisateur ! Lorsqu'un figurant devait nager, il touchait un "cachet d'eau", supplément de salaire qui était lourdement "taxé" par les intermédiaires. En 1936, le Front Populaire interdit l'embauche individuel d'un figurant, mettant ainsi fin à ces abus, en créant un syndicat. Longtemps après les productions étaient encore soumises à des quotas réglementant le nombre de figurants professionnels à embaucher.
Les années 50 remirent au goût du jour les productions fastueuses, aux foules innombrables. Les films aux sujets historiques et antiques, en concurrence avec la Télévision, tournés en scope, couleurs, nécessitaient de la figuration en masse. L'expatriation des tournages, hors Hollywood, dans des pays à la figuration "meilleur marché", favorisa cette vogue. L'exemple des films tournés en Espagne, dans cette même période, est assez unique... l'armée franquiste fut réquisitionnée sur le long terme pour accéder aux demandes de grande figuration. (ex. : "La terre des Pharaons" (1955) de Hawks).
Les figurants ne sont pas "en vacances" sur le plateau ! Ils arrivent à l'aurore pour être costumés, maquillés et coiffés (si nécessaire), ils attendent, attendent et attendent encore. Ils doivent éviter le "regard caméra", l'expression trop éteinte de leur visage, éclater de rire, pleurer, crier, courir parfois, tomber aussi, retirer leurs lunettes, leur montre et parfois tout !!! ... et tout cela sans être véritablement des acteurs... du moins "seulement" des acteurs de complément ! Ils se remettent "en place de départ", pour une ou dix répétitions, pour une prise, puis une seconde, et la suite ! Noyés par leur propre nombre, ils ne savent pas toujours ce qui se passe, là-bas au loin, où se trouve la caméra. Ils exécutent sans broncher les ordres hurlés aux porte-voix par le premier assistant. S'ils sont bien considérés par la production, ils pourront reprendre des forces à la même cantine que le reste de l'équipe. Après une longue journée sous un soleil arrassant ou dans la nuit au froid sybérien, le frimant repassera aux costumes pour revêtir ses effets personnels, quitter cette perruque et ces bas, pour repartir, avec parfois la chance d'entendre l'habilleuse lui dire "À demain !" en accrochant une étiquette portant son nom sur sa veste de valet du roi.
(Les éléments historiques de cet article sont en partie issus du livre de Michel Chion "Le Cinéma & ses métiers" - Bordas/1990)
* une panne ou panouille : ce terme est issu du vocabulaire du théâtre, il qualifie un petit rôle, souvent très court, mais surtout pas très enrichissant (dans les deux sens du terme), voir inintéressant. On parlera (au théâtre encore) d'un rôle accessoire ou encore de bout de rôle ou d'utilité pour nommer un tout petit rôle, secondaire, qui se dit aussi "apporter une lettre" ou être un "porteur de soupe" !
Frimants en costumes - "Né le 15 Prairial" - 1989
Quelques exemples parlant :
" Les frimants sont prêts, y'a plus qu'à leur donner les fusils et leur montrer comment ça se tient !"
"Y'faut les faire passer au maquillage, frimants ou pas, ils sont trop près de la caméra pour y échapper."
"Pour la frime laisse Gérard s'en occuper, avec sa grande gueule, y va t'diriger tout ça comme y faut !"
"Les frimants y'z'ont pas d'bol, la table régie leur est interdite ! Y'z'auront qu'un verre d'eau !"
"Attention à ne pas me remettre les mêmes frimants, on les voit bien, juste devant, et c'est pas le même moment dans l'histoire !"
"Retire le frimant là-bas, il a la banane à tout bout de champ, c'est pas le moment... dans la scène d'arrestation !"
"Avec toute cette frime vaut mieux arriver les premiers à la cantoche !"
"Il est pas choucard le metteur, y'leur parle comme à des chiens, c'est des frimants, d'accord, mais y'a des limites !"
"Y'a Gégé qu'a chouffé la p'tite frimante qui passe au fond à loilpé ! On peut plus le tenir !"