Kelvin...
c'est l'unité de mesure thermodynamique de température (absolue) qui s'écrit avec un k minuscule : "kelvin" et dont le symbole est un " K " majuscule. Unité choisie en 1954, et depuis 1967, date de la 13e réunion de la Conférence générale des poids et mesures, à Sèvres, la définition du kelvin est adoptée et l'appellation : degré kelvin (°K) n'est plus utilisée (supprimée en France depuis 1980). La température de 0 K (zéro kelvin) correspond à : - 273,15 °C (degrés Celsius).
Le nom de kelvin vient de l'un des noms du physicien britannique d'origine irlandaise, Sir William Thomson Lord Kelvin, né à Belfast le 26 juin 1824, mort à Largs, le 17 décembre 1907. Ses très nombreuses découvertes, déductions, recherches et inventions font de lui un des grands physiciens du XIXe siècle (thermodynamique, électricité, mécanique, études des marées...), malgré quelques prédictions erronées.
Sir William Thomson Lord Kelvin
Le vocabulaire du tournage adopte cette unité pour parler de "Température de Couleur" (Tc) qui définie la composition spectrale de la lumière émise par certaines sources. Le classement le plus appliqué pour la photographie, et donc pour la cinématographie (en couleurs), est celui des catégories de types de lumière : 3200K = Lumière artificielle et 5600K = Lumière du jour. Les films négatifs ou inversibles ont été longtemps proposés dans trois type d'émulsion : 3200K, 5600K et parfois 3400K.
Bien que le nombre de kelvins de plus en plus élevés indique une augmentation de la température, nous conservons l'appréciation universelle des couleurs, en parlant de couleurs chaudes en bas de l'échelle (1900K = lumière d'une bougie) et de couleurs froides pour celles du haut de l'échelle (8000K = zone d'ombre par temps ensoleillé). Comme les peintres, les imprimeurs, les fabricants de tissus... Les opérateurs de prise de vues gardent cette classification, inverse de la véritable élévation de température. Une élévation du nombre de kelvins donne un "refroidissement" !
Cette "montée" en température n'est réelle que sur des corps qui subissent cette élévation en provoquant une émission de plus en plus "froide" (pour garder l'appréciation de l'œil humain la plus habituelle). Au-delà de 3410°C le Tungstène (W = Wolfram) dépasse son point de fusion (le plus élevé de tous les métaux). Ce sera donc à partir de la capacité de ce métal, à tenir jusqu'à cette température, que la température de la lumière artificielle sera retenue pour l'éclairage du cinéma et de la photo en couleurs. Son spectre est continu. Cette expérience théorique (dite du "Corps noir") a été mise en évidence par le physicien allemand, Max Planck (1858-1947).
Ne voulant pas exposer ici des données scientifiques qui dépasseraient l'objet de cet article, nous nous limiterons à l'usage du plateau en ce qui concerne l'emploi de l'expression "température de couleur" ou "colorimétrie", et l'application de l'échelle "kelvin", bien que ces appellations ne correspondent que très partiellement aux bases scientifiques qui leur ont données naissance. L'échelle de température thermodynamique exprimée en kelvins part du zéro absolu, soit -273,15 °C.
Température en °C = Température en K - 273,15
Pellicule Lumière du Jour Â
Pellicule Lumière Artificielle
Les deux "familles" de lumière que sont la Lumière Artificielle et la Lumière du Jour, sont prévues, dans leurs repères respectifs de 3200K et 5600K, pour éclairer des prises de vues effectuées avec une pellicule de l'une ou l'autre des 2 catégories. Il n'y a pas, a priori, de lumière chaude ou froide perceptible sur le résultat photographique final du film. Le choix des lumières est fait en fonction de la pellicule utilisée, ou inversement le choix d'une pellicule se fait en fonction de la lumière disponible (par exemple en extérieur de jour). Chacun de ces 2 types de pellicules, éclairés avec la lumière lui correspondant, donne un résultat sans dominante chaude ou froide, la restitution des couleurs doit se faire à 100% (ou presque, pour certaines catégories de projecteurs). Il en est de même avec une caméra vidéo dont les réglages sont présélectionnés dans l'un de ces deux types de lumière. Le but étant de restituer une image la plus "naturelle" possible, en respectant les couleurs.
Pellicule Lumière du Jour
Historiquement, à l'arrivée progressive des films en couleurs depuis le milieu des années 30, les projecteurs équipés d'ampoules à filament de tungstène ont donné le repère de colorimétrie pour la Lumière Artificielle à 3200K (et un temps aussi à 3400K). Mis à part un type de charbons d'Arc qui pouvait produire de la lumière artificielle, la lumière traditionnelle du studio se faisait avec les projecteurs dits "Tungstène". En extérieur, pour se "mélanger" à la lumière naturelle, les Arcs étaient utilisés avec des charbons type lumière du jour. Les projecteurs se limitaient principalement à deux grandes catégories : les "Tungstène" et les Arcs.
Filament de Tungstène
Actuellement, en 2019, les projecteurs à filament de tungstène sont toujours utilisés, mais dans la catégorie Lumière Artificielle, ils ont été réjoints par les Tubes Fluos et les LED, et une catégorie peu utilisée, les ampoules CST (céramique - proche de la technologie des HMI). Les Arcs aux charbons de type lumière du jour sont remplacés par les H.M.I., et pour reproduire la Lumière du Jour, les Tubes Fluos et les LED ont aussi leur place. Il existe, de façon très marginale, un type d'ampoule (R.F.L.) à filament de tungstène dont le verre est teinté en bleu et reproduit approximativement de la lumière du jour (Flood bleue en 250 ou 500W) que l'on peut utiliser dans une Pince-Bol.
Flood bleue (R.F.L. 500W) "lumière du jour"
Les Tubes Fluos et les LED sont fabriqués pour l'une ou l'autre des lumières. Un changement de colorimétrie impose un changement de tubes dans les projecteurs de type Fluo, et une graduation de l'une à l'autre catégorie pour ce qui concerne les LED (l'appareil possédant les deux types de LEDs juxtaposées en nombre équivalent), ou pour la dernière génération de LED, des plaques diffusantes comportant les éléments chimiques et permettant le choix du type de lumière, celles-ci se plaçant devant des LED de fort rendement, directionnelles et froides (inutilisables autrement).
Pour le spectateur, la lumière du jour n'est pas "bleue" et la lumière de l'intérieur d'un décor d'appartement (par exemple) n'est pas "orangée" ; pour un résultat photographique équilibré, l'un ou l'autre type de lumière est utilisé pour obtenir une lumière "blanche" ne trahissant pas les couleurs des décors, costumes et peaux... Une notion artistique peut intervenir, indépendamment de ce travail purement photographique, pour donner une certaine tonalité aux images. Il sera alors possible de "refroidir" ou de "réchauffer" tel ou tel projecteur pour obtenir partiellement ce résultat. La volonté de donner cette sorte de "colorimétrie" peut donc se faire projecteur par projecteur, avec nuance et subtilité, mais aussi, de façon global, sur toute l'image, ce qui était fait en filtrant devant l'objectif de la caméra ou effectué en postproduction à présent.
Sur le plateau, on parlera de réchauffer ou de refroidir une source de lumière, à l'aide de filtres colorés de conversion, les gélatines. Les gammes de gélatines de conversion (ou corrrection) sont graduées en densité progressive : 1/8e, 1/4, 3/4, 1/2, Full, 1 1/2 et Double, dans les séries les plus utilisées : C.T.O. (Orange), C.T. Straw (Paille) et C.T.B. (Bleu). Elles permettent d'ajuster la colorimétrie.
Gélatines C.T.O. & C.T.B."
Seul l'exemple du Tungstène permet une référence valable, entre l'impression colorée et la "hauteur" de la température ; plus le Tungstène est "chauffé", plus sa colorimétrie est "haute" (en kelvins) et plus sa lumière se "refroidie". Lorsqu'on utilise un variateur de tension (dimmer ou résistance), le filament de tungstène passe par différentes couleurs, depuis le rouge-orangé jusqu'au blanc bien franc, il "chauffe" de plus en plus et son spectre est continu. Il n'en est pas de même pour les autres sources d'éclairage (le Tungstène étant le métal possédant le plus haut point de fusion) la colorimétrie de ces projecteurs divers (H.M.I., Fluo, LED) sera aussi exprimée en kelvins, par équivalence comparative (Température de couleur proximale) ; aucun d'eux n'atteindra le 100% comme le tungstène.
Exemple : les H.M.I. sont supposés être à 5600K. Les ampoules dites "à décharge" ont un spectre de raies (non continu). - (Voir l'article sur les H.M.I.)
La colorimétrie exprimée en kelvins, peut être résumée, de façon extrêmement simplifiée, en prenant comme repère les 2 catégories de lumière : Artificielle (3200K) et Jour (5600K). Mais la réalité qualitative de la lumière pour la prise de vues ne se réduit pas à ces deux critères. Un deuxième système de référence complète les indications de la composition de la lumière, c'est la notion d'I.R.C. (Indice de Rendu des Couleurs) autrement appelé : "indice général de rendu des couleurs" (Ra). Seul le Tungstène, utilisé comme il se doit, à une température de 3200K, donne un I.R.C. de 100, restituant les couleurs en conformité avec celles d'origine, à 100%. Les autres sources utilisées sur les tournages se situent généralement un peu au-delà de 90%.
Les Tubes Fluos, les lampes H.M.I., les LED, nécessitent bien souvent des corrections supplémentaires, à cause de dominantes fréquentes, plus ou moins marquées, de leur lumière, de Magenta ou de Vert. Des gélatines de conversion adaptées proposent deux gammes : les "Minus Green" (Violet ou Magenta) pour atténuer les dominantes de Vert ou les faire disparaître, et les "Plus Green" pour atténuer ou supprimer le Magenta. Les références sont présentées en densités graduées : 1/8e, 1/4, 1/2, Full. Une gamme de gélatines spécialement étudiée pour les LED est proposée.
Pour apprécier ces différents aspects de la colorimétrie, on utilise un Thermocolorimètre qui affiche une mesure en kelvins et une mesure de Correction de Couleurs, "Color Compensating index" (Vert ou Magenta) qui donnera directement la correction à apporter. Les repères d'échelle du Thermocolorimètre indiqueront : CC avec un chiffre suivi de la lettre de la gélatine à utiliser M = Magenta (Violet) et G = Green (Vert). CC 30 = Full . CC 15 = 1/2 . CC 0,75 = 1/4, pour ne donner que quelques exemples. Les sources nécessitant une correction de gélatine Full (pleine conversion) ne sont pas du tout adaptées à la prise de vues ! Dans l'absolu le thermocolorimètre ne permet de mesurer coorectement que les sources en tungstène et la lumière naturelle.
ColorMeter III F - Minolta
Il existe également une échelle de Température de Couleurs exprimée en MIRED (Micro REciprocal Degree) qui n'est pas utilisée de façon habituelle pendant le travail de la lumière sur le plateau. Cette échelle est due à Irwin G. Priest qui propose son utilisation en 1932. Elle permet de calculer la conversion nécessaire pour modifier la colorimétrie d'une source, quelque soit sa catégorie de lumière, et ainsi déterminer le choix des gélatines ou du filtres de caméra, bleus ou oranges. Les Mired donnent la valeur (positive ou négative) constante d'un filtre correcteur (de conversion) quelque soit la source d'origine.
Pour déterminer la gélatine (ou le filtre) nécessaire avec une Température désirée 5600K et une Température disponible 3200K.
1.000.000 / 3200 - 1.000.000 / 5600 = 135 mired soit une gélatine de 3/4 de CTO
Exemples : Les gélatines > Réf. 201 CTB Full = - 137 mired > Réf. 204 CTO Full = + 159 mired > Réf. 218 CTB 1/4 = - 18 mired.
Une gélatine n'est pas identifiée à partir de l'échelle en kelvin, le résultat souhaité dépend de la colorimétrie de la source sur laquelle sera placée cette gélatine. Toutes les conversions n'ont qu'une utilité, faire correspondre la lumière au type de surface sensible de l'appareil de prise de vues (pellicule ou réglage), à partir de cette recherche photographique précise, toute possibilté de "dérive" est possible, mais elle quitte le domaine de cette recherche, pour s'orienter vers la composition artistique de l'image.
"intérieur jour" en studio éclairé au Tungstène (lumière artificielle)
La gélatine Bleue (CTB FULL) fixée sur un projecteur de lumière artificielle, permet de le "mélanger" à la lumière naturelle s'introduisant dans un décor par une ouverture (comme une fenêtre), mais en passant au travers de cette gélatine bleue, la lumière du projecteur perdra environ 64% de son intensité. Sur le même projecteur, ce n'est pas avec cette même gélatine bleue que l'on produira un effet JOUR en studio où tous les autres projecteurs utilisés sont en Lumière Artificielle. Ce n'est pas la colorimétrie qui indique un effet jour, mais la façon d'éclairer, de "sculpter" la lumière.
Le vocabulaire du Cinéma n'est pas celui des scientifiques, lorsque l'on parle de "Lumière du Jour " sur un tournage, il s'agit de la lumière produite ("artificiellement") par des projecteurs de type "Lumière du Jour" (approximativement 5600K, comme celle des H.M.I.) ou de celle du soleil. Mais lorsque l'on veut parler d'un "effet Jour", en studio par exemple, on signifie que le spectateur comprendra que la scène se passe pendant la journée (par opposition à la nuit ou au soir), et cette scène peut être éclairée exclusivement à l'aide de projecteurs de lumière artificielle ! L'observation de film (ou photos) en noir et blanc permets de bien saisir cette approche. Sans "couleur" l'image noir et blanc exprime le moment de la journée, par ses effets de lumière et non pas par la colorimétrie.
"Décor en studio éclairé au Tungstène (lumière artificielle) pour un "effet jour"
- "Joséphine ou la Comédie des ambitions".
"Intérieur jour " - décor naturel éclairé au tungstène (lumière artificielle).
Claude Brosset - "Le village sur la colline" 1981