Les MOTS du PLATEAU

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Perruque

Faire de la perruque...
ou "Faire en perruque", c'est exécuter une tâche personnelle avec le matériel et les fournitures de l'entreprise pendant ses heures de travail. Cette expression n'est pas spécifique au cinéma, mais elle a été très employée à la grande époque des studios, de la fin des années 40 aux années 70, dans le service de la décoration des films, et plus particulièrement à la menuiserie où s'effectuait la construction des éléments de décors. Cette entorse au réglement pouvait avoir différentes nuances : se fabriquer de toute pièce quelque chose pour soi, et parfois aussi, repérer dans le décor un élément (voué à la destruction après le tournage), se le "réserver" et le récupérer en fin de film. Une réelle tolérance était acquise dans ce domaine du travail "parallèle" ou des profits en nature ! Cette expression était aussi très employée dans les ateliers de fabrication de décors pour le théâtre, et dans les garages. Au théâtre on disait, en croisant un collègue soupçonné de faire de la perruque : "Salut, Père Huc !" ou encore : "Elle est bien ta Louis XIV !" (Dictionnaire de La Langue du Théâtre - Agnès Pierron - Le Robert).

Les sources historiques sont diverses pour tenter d'expliquer l'origine de cette "perruque" dans les ateliers. Est-ce le côté trompe-l'œil que réalise le postiche ? Ou bien l'habitude des coiffeurs récupérant les cheveux coupés pour en faire des perruques ? Ou encore une idée de faire "le poil" à quelqu'un, le gruger (le patron) ? ... Et pourquoi pas, une similitude entre la perruque qui n'est pas ses "vrais" cheveux avec le travail pour soi qui n'est pas son "vrai" travail ? Avec la variante, "Faire en perruque", on peut aussi penser que le travail s'effectue à "couvert", sur le lieu et dans le temps de travail "normal", mais sans le dire comme caché sous une perruque !

On retrouve dans des textes de 1858, le mot perruque pour parler de "détournement du matériel de l'état" (Dictionnaire de la langue française - Le Robert).

Dans un autre domaine du cinéma, le montage, on parlera aussi de perruque, à propos de la pellicule qui part en boucles incontrôlées, sortant de la bobine ou du plateau d'enroulement des salles de montage. Cet amas de film enchevêtré, se produit lorsque les enrouleuses tournent à grande vitesse et que la pellicule sort de l'alignement, brusquement, en se répendant très rapidement au sol en perruque. Les projectionnistes employaient aussi l'expression dans les mêmes cisconstances accidentelles. Deux autres corps de métiers parlent aussi de perruque, les marins pêcheurs pour désigner les lignes très emmêlées et les bijoutiers en parlant de l'amas de fil de fer servant de support aux métaux.

Quelques exemples parlant :

- "Milo y part avec une belle perruque, t'as vu cette étagère ? C'est pas le chef déco qui lui a demandé ! Celle-là, elle est pas dans le film !" - "J'entends la scie à la menuise, à c't'heure-là, ça doit-être Jojo qui fait d'la perruque !" - "Robert va passer pour s'faire des cales sifflet... laisse-le s'installer pour sa perruque, c'est pas ça qui va ruiner le film !" - "La copie de travail est pourrie de poussière, le stagiaire a fait une magnifique perruque en la rembobinant !".

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